A ce moment précis, habillé et lavé, Corvus hésitait. Devait-il se sentir émerveillé tant le luxe du domaine où il avait atterri, être profondément marqué par les évènements de la veille au soir qui l'avait mené à tout perdre et abandonner ce pourquoi il existait, ou bien estomaqué par les merveilles qu'il rencontrait au fil de sa visite des lieux? En vérité, rien de tout cela. Il faut savoir que le jeune homme s'adaptait rapidement aux situations et ne vivait que dans l'instant présent, et depuis qu'il avait découvert l'existence de son étrange don, mais néanmoins pratique, plus rien ne le surprenait très longtemps.

Après avoir franchi les portes de l'Académie, il n'avait pas perdu son temps et avait récolté le maximum d'information sur cet endroit pour ne pas se retrouver perdu dans sa nouvelle situation. Il se trouvait donc dans une grande école où débarquent des gens de toutes époques et conditions sociales dans un seul but: leur apprendre à maîtriser leur "pouvoir", différent selon chaque personne. Le week-end était arrivé, au grand bonheur de Corvus qui espérait bien s'en servir pour s'habituer à toutes ces "bizarreries". Car, il faut l'avouer, c'était tout de même assez étrange ce qui lui arrivait!

Alors, pour se changer un peu les idées, Corvus avait posé sur son épaule Val, sa marionnette, empoigné trois balles de jonglages qui tenaient dans une main (individuellement, cela va de soi) et s'était dirigé vers les pelouses en espérant trouver un moyen d'acquérir de nouveaux accessoires de cirque. De nombreux étudiants et professeurs étaient éparpillés et assis sur l'herbe, à discuter de tout et de rien. Corvus, lui, se dirigea vers un coin tranquille, et commença à enchaîner plusieurs mouvements de jonglage.
"Bon, d'abord la figure de base avec les balles en cascade, songea-t-il. Voilà, le départ est amorcé. Ensuite, on enchaîne avec les pattes de chat en reprenant les balles par dessus. Pas trop compliqué non plus, mais on va s'en tenir à ça pour l'instant détente."

C'était le premier jour du week-end. J'étais en fin libéré des cours, et je pouvais me reposer, me prélasser, me détendre, respirer l'air frais etc. Mais au fait, où pouvais-je donc respirer de ce dioxygène, si pur et parfait ? Il fallait un endroit où il n'y en n'aurait pas trop et un endroit où il n'y en n'aurait pas trop peu. Trop car en masse, le dioxygène peut nous rendre gaga et peu car y'en aurait pas assez. Tiens, la pelouse ! Mais oui, c'était l'endroit rêvé pour lire un livre, allongé sur l'herbe et lire un livre avec un parasol et un panier de bonbons !

Donc c'était décidé, j'irais sur la pelouse. Voici un court résumé : samedi => week-end => libre => repos ===> pelouse !!!


Soit, il y avait quand même un peu de monde mais je l'avais prévu : en ce beau temps, il n'était pas envisageable de rester cloîtré dans sa chambre — à moins d'être associable. Je cherchais donc un coin tranquille, où le soleil ne tapait pas trop fort et près d'un arbre de préférence (je n'avais pas trouvé de parasol). Mon attention fut rapidement attirée par une personne, d'une grande taille (qui devait culminer autour de 1m80-90), aux cheveux d'argents mais qui surtout, faisait quelque chose que je n'avais jamais vu en vrai : il était en train de jongler ! Cette activité était presque éteinte à mon époque ; seule une dizaine de cirque circulaient encore sur le sol français, en 2015, ou alors, c'était des descendants d'anciens jongleurs qui s'étaient reconvertis à d'autres métiers !

Je m'approchai un peu plus, tellement fasciné par cet art ancestral, jusqu'à en oublier mon livre et mon panier bourré de confiseries. J'allais sortir un mot de ma bouche, quand je me rendis compte qu'il valait mieux le regarder faire plutôt que de l'interrompre... [j'étais derrière lui].

"Bon, un peu plus dur maintenant, songea Corvus sans cesser de jongler. A trois, je lance une balle en l'air, puis un léger salto arrière et on rattrape. Ca fait longtemps que je ne l'ai pas fait, mais il faut que je mette tout au même niveau."
Le jeune homme, tout en répétant les mêmes mouvements en continu, songea au timing à respecter, puis se prépara à lancer la balle en l'air. Il avait déjà réussi à deux, mais une était déjà bien suffisante pour le moment. En fait, il ne l'avait jamais présenté devant des spectateurs officiels, la personne présente derrière son dos qu'il ne remarquait absolument pas était son tout premier public. Celle-ci se trouvait d'ailleurs placée très dangereusement sans le savoir...
Dans sa tête, Corvus fit le décompte:
"Un, deux, et...Trois!"
Le jongleur lança une balle vers le ciel, pas trop haut cependant pour ne pas briser le rythme, puis sauta en arrière en effectuant une rotation aérienne avant de retomber sur ses pieds. Enfin, ça aurait pu se passer de cette façon, s'il n'avait pas rencontré un obstacle dans son mouvement. Sans avoir la moindre idée de ce qui se passait, le jeune homme percuta quelque chose et les deux étudiants se rétamèrent sur le sol, un peu sonnés. Ouvrant les yeux, c'est avec un grand soupir que Corvus vit la balle retomber comme une me*de sur l'herbe. Puis il regarda à côté de lui, apercevant alors un jeune garçon, étalé sur le sol.
-Euh...Ça va? Désolé de t'être tombé dessus, je ne t'avais pas du tout vu.
Un être humain normal se serait limité à cette question, mais Corvus ne pouvait pas s'empêcher de faire intervenir sa marionnette dans n'importe quelle situation, même plus ou moins dramatique.
-Et bah alors le môme? Tu ne sais pas faire gaffe où tu te places?!

BAM.

C'était bien fait pour moi après tout, à vouloir m'approcher de trop près. J'étais désormais étalé par terre — d'un côté, ça m'aura évité à le faire par moi même mais bon, ce n'était pas tellement intéressant à vrai dire, si c'était pour avoir une bosse sur le crane.

« Euh...Ça va? Désolé de t'être tombé dessus, je ne t'avais pas du tout vu. me dit-il.
- Et bah alors le môme? Tu ne sais pas faire gaffe où tu te places?! » fit l'espèce de poupée assise sur l'épaule du jongleur.

Je me relevais, me grattant la tête avec ma main gauche tout en fixant l'herbe, quelque peu gêné, puis me releva, frottant ensuite mon jean (même si l'herbe n'était pas sale, en fait c'pour faire genre, comme dans les manga BD *sortie*).

Je pus observer mon panier, qui par la même occasion, était complètement renversé ; j'en n'exprimait qu'un simple soupir, car l'herbe était propre B)

Je me baissai alors pour remettre les confiseries là où elles étaient puis répondit (enfin) à l'inconnu :

« Je n'ai rien merci. »

Je repensais à son numéro de jonglage, qui me parut so awesome ; d'ailleurs, j'aurais vraiment aimé aller au cirque au moins une fois, mais apparemment, ce n'était pas possible pour moi :
« Aller au cirque ? Tu n'y penses quand même pas ! Ce ne sont que barbaries réservées aux chômeurs du Pôle Emploi et qui cherchent à oublier leurs soucis en riant des tigres enfermés et sauvagement fouettés par de rustres dompteurs ! » me répondait sans cesse mes sœurs.

Comment pouvait-on être si méprisant ? On n'aurait pas eu ce train de vie, peut être que j'aurais eu comme réponse :
« Bien sûr Cucure, laisse moi d'abord finir de ranger le salon... Tiens, aide moi d'ailleurs ! »

Bref. Maintenant, j'étais libre et je me plaisais dans cet endroit mais surtout, j'avais la chance d'avoir face à moi, un jeune homme dont l'agilité devait surement égaler ceux des singes ! (bah quoi ? Ça ne jongle pas les singes ? ._. *fuit très loin*).

« Euh... Ce que vous venez de faire là, à l'instant... »

Malgré le choc, le garçon n'avait pas l'air d'avoir subi de lourds dégâts, une impression confirmée par la personne concernée:

-Je n'ai rien merci.

Apparemment, il n'avait pas fait attention à la marionnette, mais ce n'étais pas primordial, le plus important étant de dire ce qu'il souhaitait en faisant croire que c'était pour rire. (*mouahahaha*)

En revanche, son attention était fixée sur Corvus et ses balles, ce qui mettait ce dernier légèrement mal à l'aise. Mais pendant un bref laps de temps où il ne bougeait plus du tout, le jeune homme en profita pour détailler un peu son interlocuteur: cheveux noirs, peau pâle, corpulence chétive... Il ne devait pas sortir très souvent de chez lui avant d'entrer dans l'académie. Peut-être un noble, ou un féru de littérature sans vie sociale extérieure, ou encore le fils de parents très stricts. Les vêtements qu'il portait étaient aussi très étranges, le haut avait l'air d'être fait dans un tissu épais, et son pantalon laissait Corvus le laissait perplexe: il n'avait jamais rencontré pareil type de matière Et pourtant il en avait vu du monde lors des tournées du cirque!

- Euh... Ce que vous venez de faire là, à l'instant..., lança-t-il soudainement.

Voulait-il parler du jonglage? Surement, vu que c'était tout ce que faisait le jeune homme avant de s'écrouler sur le sol.

-Tu parles du jonglage? J'en fait depuis quelques années dans un cirque. Ah, mais peut-être que tu souhaites essayer? Ajouta-t-il en lui tendant les 3 sphères de tissu et de sable, accompagné d'un sourire bienveillant.
-Et ne vas pas t'amuser à les abimer, surtout! Oh, et puis lui c'est Corvus, moi c'est Val, artistes de cirque tout droit sortis d'Angleterre, de 186 exactement. Et toi, gamin? rajouta Val en même temps que Corvus guettait la réaction de l'enfant.

Oh my dog! They are English! I have always loved to speak english with English *o*
Ah merde, ici on parle une langue universelle sans le vouloir ._.

Donc j'avais devant moi, des Anglais venus tout droit de l'an 186 du calendrier grégorien, à l'époque où la civilisation romaine était proche de son apogée, d'ailleurs, je n'aurai jamais pensé que les gens de cette époque (et puis, l'Angleterre n'existait pas vraiment à cette époque je crois) puissent s'habiller ainsi : ne voulait-il pas dire "1860", au vu de ses vêtements ? Ou était-ce donc ainsi qu'on exprimait les dates à cette période ?

Quoi qu'il en soit, je ne pouvais pas lui laisser un vent :

« Je viens de l'an 2015 du calendrier grégorien. »

Qu'avais-je appris en plus ? Awii, que mon interlocuteur s'appelait Corvus et que la poupée qui voulait se faire passer pour un autre dialogueur distinct s'appelait Val, comment diable faisait ce Corvus pour faire parler cette peluche sans bouger de la bouche ? Était-il donc possible que Val était une entité à part ? Qui sait, l'an 186 n'était pas entièrement connu de nos historiens du XXIème siècle.

Ce fameux Corvus avait donc aussi passé plusieurs années dans un cirque, ce qui allait, je suis sûr, grandement faciliter nos liens. Il m'avait d'ailleurs proposé de jongler : mais comment devait-on donc s'y prendre ?

Il me tendit les 3 balles, accompagné d'un sourire plutôt chaleureux (ça changeait des sourires hypocrites que j'avais connu) puis je les pris.

[10 minutes plus tard...]
« J'abandonne, c'est trop dur ! »

Oups. Sans le vouloir, Corvus avait parlé un peu trop vite et écorché la dernière syllabe de son année d'arrivée. Il avait fait prononcer à Val "186" au lieu de "1863", ce qui changeait radicalement la donne. Mais qu'à cela ne tienne, le monde continuerait surement à tourner parfaitement bien, il n'avait donc pas à s'en faire, malgré avoir discerné une lueur d"incompréhension dans les yeux de l'enfant qui se tenait en face de lui.

- Je viens de l'an 2015 du calendrier grégorien, lui dit-il.

Sérieusement? Mais alors, il devait connaître énormément de choses sur l'avenir de son pays de naissance, qui se trouvait aussi être le passé du jeune garçon! Ce fut seulement maintenant que Corvus eut un déclic qui lui fit prendre conscience de la masse d'informations qu'il pouvait apprendre de la bouche des autres étudiants.

Tandis qu'il se taraudait l'esprit avec des questions en afflux continu, son interlocuteur s'était emparé des balles et avait entamé un début d'improvisation de jonglage....qui se révéla être peut concluant, il fallait le dire. Le jeune homme décidé de l'aider un peu, et alors que l'autre était prêt à abandonner, il lui expliqua calmement les mouvements à effectuer, et lui repassa les trois balles, sans préciser qu'il avait placé une petite sphère de gravité dans chacune d'elles, lui permettant de contrôler leur trajectoire aérienne.

Et tandis qu'il s’apprêtait à les essayer, Corvus en profita pour le mitrailler de questions sur lui et le monde du futur.

- La royauté est-elle digne de celle du 19e siècle? Tu t'appelles comment au fait? Qu'est devenu le cirque dans ton pays? D'ailleurs, de quel pays s'agit-il?

Il n'avait pas du tout l'habitude de parler autant, mais une force irrésistible le poussait à combler le vide de connaissances qu'il venait de découvrir.

Et là, SURPRISE, j'arrivais à jongler, ce fut le plus beau jour de TOUTE MA VIE !! (après avoir découvert que les atomes existaient bien sûr — dans les livres ._.), même si cette victoire me semblait quelque peu, "surnaturelle" (« on n'égale pas un artisan expérimenté en 15 minutes » — proverbe de MOI BD *sors*). Ça devait surement être un truc de ce fameux Corvus, d'ailleurs, quel pouvait bien être son pouvoir ? La télékinésie ? Le contrôle de l'air ? Ou était-ce la maîtrise d'une des lois de la physique ? Si c'était la dernière, j'aurai eu beaucoup de discussion avec cette nouvelle connaissance. En tout cas, il n'hésita pas à me mitrailler de question :

« La royauté est-elle digne de celle du 19e siècle? Tu t'appelles comment au fait? Qu'est devenu le cirque dans ton pays? D'ailleurs, de quel pays s'agit-il?
- La royauté anglaise existera encore mais celle de ton époque marquera le début de l'apogée de toute son histoire car les monarques auront perdu progressivement tout leur pouvoir. Je suis Mercure. Les cirques ne sont plus qu'au nombre d'une malheureuse dizaine dans mon pays qu'est la France. »

Eh oui, j'ai répondu à toutes les questions ; suffit d'avoir l'oreille et de diviser la phrase en plusieurs cellules différentes d'un tableau auxquelles, on y ajouterait une réponse claire et précise (bien sûr, il n'est pas exclu qu'on puisse fusionner les cellules comme ce fut le cas avec ma dernière réponse, juxtaposée par a float).

C'était à mon tour désormais, j'arrêtais instantanément de jongler (et comme par magie, les balles s'auto-jonglaient encore) :

« Mais dites moi, en quoi consiste votre pouvoir, qui m'intéresse fort bien ? *o* »